L’hystérectomie est une procédure chirurgicale très courante en gynécologie, traditionnellement réalisée par voies abdominale, vaginale ou laparoscopique. La voie vaginale est généralement préférée pour les affections bénignes telles que les fibromes, l’adénomyose et le prolapsus utérin, en raison d’un temps opératoire plus court, d’une récupération plus rapide, d’une douleur réduite et de moins de complications. Cependant, l’approche laparoscopique peut être nécessaire lorsque l’utérus est volumineux ou l’accès vaginal limité. La technique vNOTES est une alternative mini-invasive qui utilise le canal vaginal comme voie d’accès à la cavité péritonéale, combinant une vue endoscopique et une instrumentation laparoscopique.
Objectifs de l’étude
L’objectif principal de cette étude est d’évaluer si la qualité de vie sexuelle (QVS) est altérée par l’utilisation de la vNOTES pour l’hystérectomie par rapport à la laparoscopie conventionnelle dans le cadre de pathologies gynécologiques bénignes. L’objectif secondaire est de déterminer s’il y a une amélioration chez les patientes souffrant d’adénomyose, une affection fréquente chez les femmes subissant une hystérectomie.
Méthodologie
L’étude est une étude rétrospective monocentrique réalisée à l’Hôpital Universitaire Brugmann entre septembre 2020 et octobre 2022. Un total de 127 patientes a été inclus, dont 91 ont subi une TLH et 36 une hystérectomie par vNOTES. Les patientes incluses étaient des femmes de plus de 18 ans ayant subi une hystérectomie pour des indications bénignes telles que la ménorragie résistante aux médicaments, l’utérus polyfibromateux ou l’adénomyose.
Les procédures chirurgicales, qu’il s’agisse de vNOTES ou de TLH, ont été réalisées par la même équipe chirurgicale expérimentée en chirurgie laparoscopique. Les détails techniques de chaque approche sont décrits dans l’article. Après les deux procédures, du paracétamol et des anti-inflammatoires non stéroïdiens ont été prescrits pendant 48 heures.
L’évaluation de la qualité de vie sexuelle a été l’objectif principal de l’étude, réalisée au moins 3 mois après la chirurgie. L’outil utilisé était le Female Sexual Function Index (FSFI), complété par les patientes lors d’entretiens téléphoniques. Le FSFI évalue six domaines : le désir, l’excitation subjective, la lubrification, l’orgasme, la satisfaction et la douleur. Un score total est calculé, avec un seuil de 26,55 indiquant un possible dysfonctionnement sexuel féminin si le score est inférieur ou égal à ce seuil.
Les données collectées à partir des dossiers médicaux comprenaient les caractéristiques démographiques (âge, IMC, gestité, parité), les données per- et post-opératoires (temps opératoire, perte sanguine, variation de l’hémoglobine, durée d’hospitalisation, symptômes pré-opératoires, complications, durée de l’analgésie).
L’analyse statistique a été réalisée en utilisant le logiciel R. Les variables continues ont été résumées par la moyenne ± écart-type ou la médiane (écart interquartile), et les variables catégorielles par des nombres et des pourcentages. Des tests statistiques appropriés (test du Chi-carré ou exact de Fisher, test t ou U de Mann-Whitney) ont été utilisés pour comparer les groupes. Une valeur de P < 0,05 a été considérée comme statistiquement significative.
Résultats
Sur les 127 patientes initialement incluses, 91 ont eu une TLH et 36 une vNOTES. Il n’y avait pas de différence significative d’âge ou d’IMC entre les deux groupes.
Concernant les caractéristiques chirurgicales, aucune différence n’a été observée entre les deux groupes en termes de temps opératoire, de diminution de l’hémoglobine sanguine et de jours d’hospitalisation dans la population générale. Cependant, des différences significatives ont été notées pour la perte sanguine totale (166,1 mL pour la TLH vs 286,4 mL pour la vNOTES, P = 0,007) et le poids utérin (445,1 g pour la TLH vs 305,3 g pour la vNOTES, P = 0,022). La durée moyenne de prise d’analgésiques n’était pas significativement différente (8,9 jours pour la TLH vs 6,7 jours pour la vNOTES). Les complications per- et post-opératoires n’étaient pas significativement différentes non plus (4,4 % pour la TLH vs 13,9 % pour la vNOTES, P = 0,12). L’adénomyose était présente chez 38,5 % des patientes du groupe TLH et 50,0 % dans le groupe vNOTES, sans différence significative.
L’analyse de la QVS s’est concentrée sur les patientes sexuellement actives post-opératoirement, soit 66 des 127 patientes (42,9 % du groupe TLH et 75,0 % du groupe vNOTES, P < 0,01). Parmi ces 66 patientes, 39 ont eu une TLH et 27 une vNOTES. Les patientes du groupe vNOTES avaient significativement plus de grossesses et d’accouchements. Dans cette sous-population sexuellement active, la vNOTES a entraîné une plus grande perte sanguine totale (301,5 mL vs 176,8 mL, P = 0,028), mais sans différence dans la diminution de l’hémoglobine. Malgré cela, les patientes du groupe vNOTES sont sorties plus tôt de l’hôpital (1,8 jours vs 2,6 jours, P = 0,011).
En ce qui concerne la QVS post-opératoire chez les patientes sexuellement actives, celles ayant bénéficié de la vNOTES ont obtenu des scores plus élevés que celles opérées par laparoscopie conventionnelle. Cette différence était statistiquement significative pour l’excitation (P = 0,014), l’orgasme (P = 0,003) et la satisfaction sexuelle globale (P = 0,002). Le score total de QVS était significativement meilleur dans le groupe vNOTES (28,97) que dans le groupe TLH (24,99) (P = 0,003). Le score global des patientes vNOTES était supérieur au seuil de 26,55, indiquant une satisfaction avec la QVS.
L’analyse en fonction de la présence d’adénomyose a montré que seuls les scores d’excitation et d’orgasme étaient améliorés post-opératoirement chez les patientes souffrant d’adénomyose, indépendamment de la technique chirurgicale (excitation : 4,47 vs 3,91, P = 0,04 ; orgasme : 5,07 vs 4,26, P = 0,016). Le score global FSFI était supérieur au seuil chez les patientes atteintes d’adénomyose. Cependant, il n’y avait pas de différence significative dans les scores FSFI entre les techniques vNOTES et TLH au sein de la population souffrant d’adénomyose.
Discussion
L’étude a mis en évidence quelques différences significatives entre la TLH et la vNOTES pour des indications bénignes, notamment concernant le poids utérin, la perte sanguine totale, la durée d’hospitalisation, la reprise des rapports sexuels et la QVS. La différence de perte sanguine dans le groupe vNOTES, même si statistiquement significative, n’a pas nécessité de transfusion sanguine.
La durée d’hospitalisation plus courte pour le groupe vNOTES sexuellement actif (1,8 jours vs 2,6 jours, P = 0,011) suggère une récupération plus rapide, ce qui est cohérent avec une tendance à une durée plus courte de prise d’analgésiques. Une proportion significativement plus élevée de patientes vNOTES (75%) ont repris une activité sexuelle dans les 3 mois post-opératoires, contre 42,9% pour la TLH (P < 0,01). Les résultats FSFI plus élevés pour la vNOTES, notamment pour l’excitation, l’orgasme et la satisfaction, suggèrent une meilleure QVS avec cette approche. L’étude note que la technique de suture vaginale et son impact sur la sexualité sont controversés, mais que malgré l’utilisation d’une suture vaginale, la vNOTES a donné de meilleurs scores FSFI globaux dans leur population.
Les patientes souffrant d’adénomyose ont montré une amélioration des scores d’excitation, d’orgasme et globaux après l’hystérectomie par rapport à celles sans adénomyose, indépendamment de la technique chirurgicale. Cela suggère que le traitement de l’adénomyose par hystérectomie améliore la QVS. Cependant, l’étude n’a pas pu démontrer que la vNOTES était supérieure à la TLH dans cette population spécifique.
Limitations de l’étude
L’étude présente des limitations dues à son nature rétrospective et à son caractère monocentrique. Le poids utérin plus faible dans le groupe vNOTES (305,3 g vs 445,1 g, P = 0,022) est également une limitation, suggérant un possible biais de sélection où la vNOTES n’était pas proposée pour les utérus plus volumineux. L’absence de score FSFI pré-opératoire de référence est une autre limitation, rendant impossible la détermination des différences de QVS avant la chirurgie. Un biais dû au nombre différent de naissances et d’accouchements entre les groupes est également mentionné. Les auteurs notent que les résultats de leur équipe chirurgicale incluent leur courbe d’apprentissage pour la vNOTES.
Conclusion
L’étude conclut que la technique vNOTES est une méthode chirurgicale plausible pour l’hystérectomie totale chez les patientes atteintes de pathologies gynécologiques bénignes, et spécifiquement d’adénomyose. La vNOTES offre les avantages d’une durée d’hospitalisation plus courte et d’une reprise plus rapide de la vie sexuelle. En l’absence de contre-indications, la vNOTES peut être considérée comme une option de prise en charge de première ligne en chirurgie gynécologique bénigne.