- Contexte et Objectifs de l’Étude Le Syndrome des Ovaires Polykystiques (SOP) est un trouble endocrinien courant qui touche les femmes en âge de procréer, avec une prévalence d’environ 12%. Le diagnostic du SOP est hétérogène et repose sur la présence d’au moins deux des trois critères suivants : oligo- ou anovulation, hyperandrogénisme clinique et/ou biochimique, et/ou morphologie ovarienne polykystique (MOP) à l’échographie chez l’adulte. La MOP, définie par le volume ovarien et/ou le nombre de follicules par ovaire (FNPO) à l’échographie, est souvent une source de controverse et de défis diagnostiques. L’exactitude et la reproductibilité des mesures de FNPO dépendent fortement de l’opérateur et de l’équipement utilisé, et l’échographie transvaginale peut être perçue comme invasive. De plus, les lignes directrices internationales de 2018 et 2023 ne recommandent plus l’échographie pour diagnostiquer le SOP chez les adolescentes en raison de la fréquence des follicules multiples à la puberté.
Dans ce contexte, l’AMH a été proposée comme un marqueur alternatif pour la détection de la MOP et le diagnostic du SOP. L’AMH est sécrétée par les cellules de la granulosa des follicules pré-antraux et petits follicules antraux, et des niveaux élevés sont fréquemment observés chez les femmes atteintes du SOP, inhibant l’activité de l’aromatase et contribuant à l’hyperandrogénisme et au dysfonctionnement ovulatoire.
Les objectifs de cette méta-analyse étaient de répondre à trois questions clés :
- Les niveaux d’AMH sont-ils efficaces pour diagnostiquer le SOP chez les femmes adultes ?
- Les niveaux d’AMH sont-ils efficaces pour diagnostiquer le SOP chez les adolescentes ?
- Les niveaux d’AMH sont-ils efficaces pour détecter la MOP chez les adultes ?
- Méthodologie L’étude a été menée comme une revue systématique et une méta-analyse, suivant les lignes directrices PRISMA, et a mis à jour une revue antérieure de 2017. Les recherches ont été effectuées dans six bases de données (EMBASE, Medline ALL, Web of Science Core Collection, Cochrane Central Register of Controlled Trials, CINAHL, et PsycINFO) jusqu’au 31 juillet 2023.
Les critères d’inclusion comprenaient des études menées sur des humains, publiées en anglais, et rapportant la sensibilité, la spécificité, et/ou l’aire sous la courbe (AUC) des niveaux d’AMH comme prédicteur du SOP ou de la MOP. Les données extraites comprenaient la population d’étude, l’âge, l’indice de masse corporelle (IMC), le type de dosage d’AMH utilisé, la valeur seuil d’AMH, la sensibilité, la spécificité et l’AUC. Les valeurs d’AMH sériques ont été standardisées en nanogrammes par millilitre (ng/mL) en utilisant la formule de conversion : 1 pmol/L = 0.14 ng/mL. Le risque de biais a été évalué à l’aide de l’outil QUADAS (Quality Assessment of Diagnostic Accuracy Studies), et la certitude des preuves a été déterminée selon l’approche GRADE.
Au total, 82 études ont été incluses dans la méta-analyse. Parmi celles-ci, 68 études ont porté sur le diagnostic du SOP chez l’adulte, 11 sur le SOP chez l’adolescente, et 7 sur la détection de la MOP chez l’adulte.
- Principales Conclusions
- AMH et diagnostic du SOP chez l’adulte :
- Les méta-analyses (n=68 études) ont révélé une sensibilité groupée de 0,79 (79%) et une spécificité groupée de 0,87 (87%).
- Cependant, une hétérogénéité significative a été observée (I² = 86% pour la sensibilité et I² = 91% pour la spécificité).
- La certitude des preuves a été jugée modérée, ce qui indique que les niveaux d’AMH ne sont pas fiables comme marqueur unique pour le diagnostic du SOP.
- Des analyses de sous-groupes ont montré que la sensibilité et la spécificité variaient significativement selon que la MOP était exclue du groupe contrôle ou non. De plus, il y avait des différences significatives dans la sensibilité et la spécificité entre les différentes méthodes de dosage de l’AMH (ELISA, Elecsys, dosages automatisés).
- AMH et diagnostic du SOP chez l’adolescente :
- La méta-analyse (n=11 études) a montré une sensibilité groupée de 0,66 (66%) et une spécificité groupée de 0,78 (78%).
- L’étude conclut que les niveaux d’AMH seuls sont insuffisants et inefficaces pour le diagnostic du SOP chez les adolescentes. Cela est en partie dû au fait que la MOP est courante pendant la transition pubertaire, et que l’axe hypothalamo-ovarien est encore en maturation à cet âge.
- AMH et détection de la MOP chez l’adulte :
- Pour la détection de la MOP chez l’adulte (n=7 études), la méta-analyse a trouvé une sensibilité groupée de 0,79 (79%) et une spécificité groupée de 0,87 (87%).
- La certitude des preuves a été jugée modérée.
- L’étude a confirmé que les niveaux d’AMH peuvent être utilisés comme marqueur diagnostique pour la détection de la MOP chez l’adulte.
- Facteurs influençant l’Hétérogénéité et les Limites L’hétérogénéité significative observée dans les résultats est attribuée à plusieurs facteurs:
- Différences d’âge et d’IMC : Les niveaux d’AMH diminuent avec l’âge et sont généralement plus faibles chez les femmes ayant un IMC élevé, y compris celles atteintes du SOP. Toutes les études n’ont pas harmonisé ces variables entre les groupes cas et contrôle.
- Utilisation de contraceptifs hormonaux : L’usage de contraceptifs hormonaux peut supprimer les niveaux d’AMH, et toutes les études n’excluaient pas systématiquement les femmes utilisant ces hormones.
- Différents kits de dosage d’AMH : La variabilité entre les plateformes de dosage (ELISA, Elecsys, automatisées) a été confirmée comme une cause d’hétérogénéité, soulignant le besoin pour chaque centre de déterminer ses propres valeurs seuils spécifiques à la population et à l’âge.
- Définition des groupes cas et contrôle : L’hétérogénéité dans la définition des groupes (SOP avec ou sans MOP) a limité les recommandations pour le diagnostic général du SOP.
- Manque de seuils prédéterminés : La plupart des études n’ont pas utilisé de seuil d’AMH prédéfini, mais ont calculé une valeur optimale pour leur cohorte spécifique, ce qui a conduit à une large gamme de seuils proposés (de 0,81 ng/mL à 10 ng/mL).
- Limitations méthodologiques : L’inclusion exclusive d’articles en anglais est une limitation potentielle. De plus, de nombreuses études incluses présentaient un risque de biais modéré ou élevé, bien que la limitation de l’analyse aux études de moindre biais n’ait pas significativement changé les résultats globaux.
- Recommandations et Pertinence Clinique En conclusion, cette méta-analyse a démontré que l’AMH est un marqueur raisonnablement sensible et spécifique pour la détection de la MOP chez l’adulte. Cependant, en raison de l’hétérogénéité de la maladie et de la variabilité des facteurs influençant l’AMH, l’AMH est jugée insuffisante comme test diagnostique unique pour le SOP.
Les lignes directrices internationales de 2023 pour le SOP ne recommandent pas l’AMH seule pour le diagnostic du SOP. Toutefois, elle peut être considérée comme un substitut endocrinien à l’évaluation échographique de la MOP chez l’adulte, notamment lorsque l’échographie transvaginale n’est pas réalisable ou souhaitable. Ce changement significatif dans les critères diagnostiques devrait réduire les désagréments et les coûts du diagnostic pour les patientes. L’étude souligne également la nécessité de poursuivre les recherches pour établir des valeurs seuils plus individualisées et pour mieux comprendre les facteurs influençant l’AMH dans différentes populations.